• Quatre enseignants-chercheurs français travaillant en Amérique proposent leur regard sur le « modèle libéral » à la française : celui-ci prétend s’inspirer des États-Unis, mais ne fait qu’accentuer des travers typiquement français ; il prétend faire confiance au marché alors qu’il ne fait que renforcer la hiérarchie. La réforme actuelle entérine en réalité la paupérisation générale des formes de solidarité qui affectent nos sociétés.

    Nous, professeurs formés en France, vivons par choix, en Amérique du nord, dans ce monde universitaire qui sert, dans le discours des décideurs, de modèle à la réforme. Nos universités sont « autonomes ». Nous sommes évalués par des comités strictement internes à notre université, où siègent nos pairs et qui décident de notre titularisation (tenure) après une période de 6 à 9 ans, la promotion la plus importante pour notre carrière. Pour prendre cette décision, nos pairs évaluent la qualité de notre recherche en fonction de critères qualitatifs, notamment en lisant nos travaux et en collectant les jugements écrits envoyés par des universitaires du même champ de recherche que nous mais travaillant dans d’autres institutions. Nous sommes donc évalués à la fois par nos collègues les plus proches, mais aussi par ceux qui sont les spécialistes de notre domaine de recherche. Ces deux modalités d’évaluation garantissent une procédure juste à plusieurs niveaux : notre engagement au sein du collectif que constitue notre département est évalué par ceux et celles qui ont pu directement l’observer (ils et elles disposent également des évaluations que nos étudiants donnent chaque année de notre enseignement), et la qualité scientifique de notre travail (et non seulement sa quantité) est évaluée par ceux et celles qui sont les plus susceptibles de la connaître de façon détaillée et de pouvoir mesurer son apport à la recherche existante [1].

    Nous ne craignons pas non plus, de ce côté-ci de l’Atlantique, de savoir que c’est le président de notre université qui décide en dernière instance de notre embauche et de notre progression de carrière, car ses décisions ne font le plus souvent qu’avaliser celles prises par les instances collégiales. Cette préséance, informelle, donnée au choix des assemblées départementales sur la hiérarchie purement administrative, malgré le pouvoir exécutif concentré dans les mains des présidents d’université, s’explique par la relation de confiance qui existe entre les différents acteurs du processus et en particulier en ce qui concerne le jugement scientifique émanant des pairs réunis au sein d’un même département généralement organisé sur la base d’une même discipline (mais pas toujours). Le jugement par les pairs constitue en effet la pierre angulaire du système universitaire nord-américain et la traduction concrète du principe de liberté scientifique.

    Pourquoi, alors que la réforme actuelle se propose d’aligner la France sur ce modèle nord-américain, nos collègues français craignent-ils le pire ? C’est qu’entre le modèle et son application, il peut y avoir un gouffre selon les universités. Gouffre d’autant plus grand par rapport aux attentes qu’il n’est pas précisé si les universités françaises s’inspireront du modèle managérial qui se diffuse de la Grande-Bretagne à l’Europe, ou du modèle collégial nord-américain.



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  • Via Libération. Pour le plaisir de comparer, une vidéo forcément malintentionnée.

    Pour ceux qui ont choisi leur camp.... 


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  • Enseignants-chercheurs: sortir de la culture de la punition

    Par Jean-Fabien Spitz

    Professeur de philosophie politique, université de Paris I Panthéon Sorbonne.

    Le projet de décret redéfinissant le statut des enseignants-chercheurs de l’université est une illustration parfaite de la logique bureaucratique qui décide sans rien savoir de la réalité concernée. Certains universitaires ne font aucune recherche, ils se contentent de dispenser leurs six ou sept heures de cours hebdomadaire pendant les 26 semaines que dure l’année universitaire. Le reste du temps, ils se consacrent à des activités privées ou travaillent à arrondir leurs fins de mois. Cette réalité est indiscutable et elle n’est pas acceptable. Le bureaucrate qui réfléchit dans la solitude de son cabinet y apporte la réponse la plus stupide que l’on puisse imaginer : puisque ces gens ne font pas de recherche, imposons-leur une charge d’enseignement plus importante, ce qui permettra à la fois d’accroître la masse horaire disponible pour les étudiants et de décharger d’une partie de leurs tâches d’enseignement les universitaires les plus actifs dans la recherche.

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  • Une version longue et très argumentée de l'article paru il y a quelques jours dans la
    page Opinions du Monde de nos collègues enseignants en Amérique du Nord, Martial
    Foucault, Eléonore Lépinard, Vincent Lépinay et Grégoire Mallard

    http://www.laviedesidees.fr/Pour-des-universites-plus-justes.html

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